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TEXTES

Ne pas diviser ce qui forme un tout

«  Il est dit, dans le Lankâvatâra-sûtra si je ne me trompe, que les fermiers sans expérience jettent leur fumier et achètent de l’engrais aux autres paysans, alors que le cultivateur averti récolte et amasse son propre fumier malgré la puanteur et le sale travail, et que lorsqu’il est prêt à être utilisé, il le répand sur la terre pour tirer de là sa moisson. Telle est la méthode habile. Et le Bouddha dit exactement de la même manière que ceux qui ne savent s’y prendre, les maladroits, veulent séparer le pur de l’impur et s’efforcent de rejeter Samsâra pour chercher Nirvâna, tandis que ceux qui sont d’habiles Bodhisattvas ne veulent pas se débarrasser du désirs, des passions et de tout le reste, mais au contraire recueillent et amassent tout cela ensemble. C’est-à-dire qu’il faut premièrement les reconnaître et les admettre, puis aussi les étudier et les amener à la réalisation. Donc le Bodhisattva pertinent reconnaîtra et acceptera toutes ces choses négatives. Et il sait réellement, cette fois, qu’il a en lui du nauséabond et qu’il n’y a pas moyen de faire autrement pour commencer, même s’il paraît difficile et peu ragoûtant de travailler dessus. Par la suite, ce sera le fumier qu’il pourra répandre sur le champ de la bodhi. Car, le moment venu, ces concepts et toutes ces choses négatives ayant été examinés, analysés, il n’y a pas à les conserver plus longtemps mais à les éparpiller, les étaler et les utiliser comme fumure. Ainsi naîtront d’éléments impurs la semence et le grain de la réalisation. Voilà comment on la fait naître, comment on a à lui donner naissance. Et la seule idée que les concepts soient une mauvaise chose, que ceci ou cela soit mauvais, divise ce qui forme un tout et a comme résultat de ne vous laisser rien sur quoi et avec quoi agir. Il ne vous reste dans ce cas qu’à être absolument parfait, ou alors à vous batailler contre tout ce tas de mauvaises choses, à les combattre toutes pour vous en défaire et les supprimer. Mais lorsqu’on a une attitude hostile et qu’on travaille à éliminer les choses, à chaque fois qu’on en chasse une, il en surgit une autre à sa place et, dès qu’on s’attaque à celle-ci, il y a celle-là qui arrive, venant d’ailleurs. C’est une ruse continuelle de l’ego, qui fait que si vous essayez de desserrer un côté du nœud, en tirant sur le fil vous ne réussissez qu’à le serrer un peu plus fort ailleurs et vous restez perpétuellement pris au piège. La chose à faire, par conséquent, c’est de ne plus se battre, de ne pas chercher à expulser les mauvaises choses, mais au contraire de les prendre en considération et de les accepter. »

 

Chögyam Trungpa          (« Méditation et action »)

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